La vie selon Sarko ...
extrait de l'edito de Val dans Charlie
La semaine dernière, dans
les sous-sols de l’Assemblée nationale, Nicolas Sarkozy a réuni le ban et
l’arrière-ban de la droite pour lui expliquer sa vision sociale. Le pince-fesses
s’intitulait « Convention sociale de l’UMP ». Et là,
allez savoir pourquoi
— hiver trop long,
printemps trop brutal —, tel un bourgeon caressé avec trop d’insistance par un
soleil déboulant par surprise, Nicolas s’est déployé avec une impudeur de jeune
bouc affolé par les mamelles roses brinquebalant entre les pattes duvetées des
biquettes bondissantes qui aspergent de phéromones mutines les
naseaux... merci au lecteur de
finir tout seul cette phrase, moi, je sèche.
Oubliant qu’on n’était
plus dans les catacombes de la secte, et que des jour
nalistes s’étaient infiltrés parmi les fidèles, il a
lâché la purée. Passons sur la « gabegie des 35 heures », pour se mettre en
bouche, cantique inaugural obligé de toute réunion sarkozyste. Devant son parterre — où un Ernest-Antoine Seillière avait du mal à dissimuler les
larmes de joie qui, si le discours avait duré plus long temps, auraient formé
une stalagmite sur chaque genou —‘ c’est en prophète que Nicolas 1er s’est
exprimé.
Son « programme
législatif 2007 » est très axé sur l’économie. Il s’en dégage trois grandes
idées aussi lumineuses et fondamentales que celle du premier homme primitif qui
a eu l’intuition géniale de mettre un coup de pied dans les couilles de son
voisin pour faire de la musique.
Trois idées, comme les
grandes triades par quoi se définissent les
civilisations.
Le Père, le Fils, le
Saint-Esprit, des chrétiens. Le moine, le paysan et le
soldat des langues aryennes, selon
Dumézil. L’imaginaire, le symbolique et le réel des
lacaniens.
Le
« Fin Volk, ein Reich, ein Fuhrer » des nazis. Un foie, deux reins, de l’eau
de Vittel. J’en passe et des
meilleures. Voici donc la grande triade sarkozyenne:
— Un, on supprime les
contrats à durée indéterminée afin que l’homme accède enfin au statut jetable
des briquets, des mouchoirs et des bouteilles non
consignées.
— Deux, on transforme les
ANPF en agences d’intérim privées qui se sucrent directement sur les salaires de
leurs adhérents.
— Trois, on supprime le
Code du travail pour le remplacer par les règlements intérieurs des
entreprises.
Évidemment, dit comme ça,
c’est un peu brutal, et ça relègue le lepénisme au niveau d’une vieille école un
peu romantique et sentimentale.
Ce qui est amusant, c’est
qu’on nous dit que le non à la Constitution euro péenne est désormais à plus de 51 %, et que la cote de
popularité de Sarkozy bordaille les 8o %. On dit non au traité à 51 % pour les
mêmes raisons qu’on aime Sarkozy à 8o %. Qu’est-ce que ça veut dire? Ça veut
dire que l’opinion remplace la politique, et que la communication a remplacé
l’information.
Et cela, c’est
précisément le fondement du sarkozysme, dont on
pourrait résu mer tous les discours par une seule
interpellation: « Françaises, Français? Vous en avez marre de la politique, vous
n’y croyez plus? Ça tombe bien, je suis comme vous. Si vous votez pour moi, je
vous jure de ne pas faire de politique. De toute façon, quand on fait des
affaires, on ria pas le temps de s’occuper de ces frivolités.»
Philippe VaL / charlie hebdo du 23/03/2005